Né à Dijon, le 26 septembre 1917, Henry Desserteaux fit ses études au lycée Carnot et y prépara Saint-Cyr à la Corniche Bournazel. Il a le goût de l’aventure et s’engage dans le scoutisme avec ardeur. Il intègre la promotion « Marne et Verdun » de l’École Spéciale Militaire. Son instructeur dit de lui qu’il est « animé du plus pur fanatisme » et plus loin : « […] Je fus frappé tout aussitôt par sa jeunesse, tout aussi bien dans son attitude que dans son regard. Vinrent les théories, les inspections, les exercices, les marches. Desserteaux ne pliait pas sous ces fardeaux. Son caractère restait égal ; son sourire et sa bonne humeur, devenue légendaire, ne le quittaient pas. Si, parfois, il avait un mouvement de colère, c’était contre lui-même plutôt que contre tous ces tracas que lui imposait la vie pénible de Cyrard. »
Affecté au 70e BAF (bataillon alpin de forteresse) à Bourg Saint-Maurice, il prend, en septembre 1939, le commandement d’une section de réservistes et il s’impose si bien à ces rudes montagnards qu’il est désigné pour occuper la « Redoute Ruinée ». Construit vers 1880 sur une barre rocheuse, à 2400 mètres d’altitude, à quelques centaines de mètres de la frontière italienne, cet ouvrage commande les vallées d’Aoste et du Petit Saint-Bernard. Du 21 au 24 juin 1940, soumis à des bombardements violents d’artillerie et d’aviation, il réussit à repousser les attaques de plusieurs bataillons. Après le repli des autres avant-postes, complètement encerclé, son calme et son courage maintiennent le moral de sa section et forcent l’admiration de ses hommes. A la suite de l’armistice, Desserteaux quitte le fort sur lequel il a fait hisser les couleurs, emmenant tout son armement tandis que les Alpinis lui rendent les honneurs. Cette défense héroïque lui vaut une première citation à l’ordre du corps d’armée.
Il rejoint le 13eBCA où il est chef de section dans l’armée d’armistice. Durant cette période, il se marie et a deux enfants. Il profite du temps à sa disposition pour s’instruire en achevant une licence d’histoire et de géographie. Il écrit dans son journal : « Essayons d’être heureux avec nos enfants, et que Dieu nous donne la grâce de chercher leur bonheur, plutôt que le nôtre … » En juillet 1944, le lieutenant Desserteaux rallie la Résistance où il conquiert rapidement une place éminente par son audace et son sourire. La nuit, il casse les voies ferrées, le jour, il recrute, organise, instruit. Au cours des combats de libération de la Maurienne, durant trois semaines, il est le chef permanent de l’avant-garde du 1er bataillon de l’armée secrète Savoie dont il prépare l’entrée en action. Cela lui vaut une deuxième citation à l’ordre de la division : « Officier d’un rare courage, chargé des renseignements du Bataillon. Toujours aux avant-postes ou à l’avant-garde. A préparé par des connaissances personnelles l’attaque de Modane et la Haute-Vallée de Maurienne. A reconnu en particulier les défenses du Fort de l’Esseillon, allant jusqu’au pied de l’ouvrage, malgré les réactions de l’ennemi. Le 13 septembre, a dirigé un groupe de volontaires qui a obligé l’ennemi à abandonner Bramans et le Vernay, sauvant ces deux villages du pillage et de l’incendie. A poursuivi seul la reconnaissance de la Haute Vallée et a pénétré le premier à Termignon et Lanslebourg. »



De retour en opération autour de la Redoute Ruinée, Desserteaux surprend sur l’arête du mont Valezan, à 2500 mètres d’altitude, des artilleurs ennemis qui s’apprêtaient à mettre en batterie un canon de 77 hissé là à grand’peine. Le canon est rapidement mis hors d’usage et les 14 servants sont faits prisonniers. Cet exploit, sans doute unique au cours de la campagne des Alpes lui vaut une citation à l’ordre de l’armée et la Légion d’Honneur.
Promu capitaine le 25 mars, il prend le commandement d’une compagnie. Il sait créer l’équipe et lui donner une âme. La preuve en est faite quand il décide, après mûres réflexions, de partir pour l’Indochine. Il est immédiatement suivi de 52 volontaires c’est-à-dire de tout le personnel de carrière répondant aux conditions exigées pour servir en Extrême-Orient.
Du 22 février au 4 mars 1947, la compagnie Desserteaux composée de chasseurs alpins du 6e, 11e, 13e et 27e BCA entreprend un raid dans la chaîne annamitique.
Le capitaine organise deux colonnes : une légère sous ses ordres et une lourde aux ordres du lieutenant Willard. Le climat tropical et la végétation très dense rendent la vie dure à la compagnie. La colonne légère met en place des patrouilles et des embuscades dans la région de Lang Ngoi. Le 1er mars à 15h a lieu un accrochage qui fait deux blessés. Face à la présence Viet, le Capitaine cherche le renfort du 21e RIC (régiment infanterie coloniale). C’est le début d’une marche harassante de 10 jours sous la pluie et dans la boue, l’estomac creux. Le colonel Larroque commandant le secteur de Hué félicite le capitaine pour ce périple : « réussi une manœuvre difficile dont ils peuvent être fiers […] la preuve qu’ils ont chassé [l’ennemi] est faite par le grand nombre de prisonniers que nous faisons tous les jours aux divers débouchés de la montagne. ». La mission est remplie mais les difficultés nombreuses notamment à cause du matériel encombrant et du manque de ravitaillement. Désormais, la compagnie occupe une série de points d’appui dans la plaine côtière. Le sergent Angelini dit de son chef : « Avec lui, on n’a pas le temps de s’ennuyer ! Il est increvable, notre capitaine. »

Même si son secteur est le mieux contrôlé, le capitaine Desserteaux veut monter une nouvelle opération sur Dat Do et ses environs, point d’entrée de l’ennemi à 3 km à vol d’oiseau à l’ouest de Hué. La région est très dangereuse et très bien contrôlée par le Viet Minh. L’opération est décidée pour le 21 septembre 1947. En outre, c’est la date anniversaire de Sidi-Brahim, la fête des chasseurs donc une date importante pour le capitaine qui y voit un signe heureux.
La nuit du 24 au 25 septembre est claire grâce aux doux rayons de la Lune jusque vers deux heures du matin et l’obscurcissement imprévu du ciel par des nuages. Le capitaine est méfiant car la noirceur soudaine de la nuit facilite l’action des Viets. Après seulement vingt minutes, une explosion se fait entendre suivie par des rafales violentes : les Viets attaquent par le sud-est ! A 2h30, le capitaine rejoint un groupe de mortiers pour commander un tir. Une rafale de mitrailleuse en pleine poitrine le fauche. Il tombe dans les bras d’un sous-officier en disant simplement : « Ils m’ont eu ; je suis mort. Je suis mort ! ».
Le bruit court dans les trous de combat : « Le Capitaine est mort ! » La veille de ses trente ans, Henry Desserteaux a donné sa vie, pour la France, dans le feu des combats d’Extrême-Orient.
« Officier hors pair, modèle de courage, d’allant, de calme, d’héroïsme. Le 25 septembre 1947, le bivouac de sa colonne étant attaqué par un groupe rebelle important, a, par le choix judicieux des moyens et l’activité dont il a fait preuve, assuré l’intégrité de sa position. A été mortellement frappé alors qu’il se rendait auprès du groupe de mortiers pour diriger le tir. Héros magnifique, il reste pour tous un exemple inoubliable. Déjà cinq fois cité. » Sa dernière citation, à l’ordre de l’armée, à titre posthume.
Au matin, les soldats se lèvent de leurs trous, se mettent au garde-à-vous et saluent le corps du capitaine. Ils ont les larmes aux yeux, eux qui riaient face au danger. Enveloppé dans une couverture, la dépouille traverse le camp. C’est une grande perte, les hommes étaient fiers de préciser : « Je suis de la compagnie Desserteaux. »
Ses funérailles ont lieu à Hué le lendemain de sa mort avec une foule conséquente. Quelques jours plus tard, sur sa tombe, une couronne de fleurs bien particulière a été déposée. On peut y lire « A mon plus loyal adversaire », c’est le dernier hommage du colonel Le Van Lo, commandant le régiment de réguliers Viets-Minh. Saint-Cyrien et sorti de l’école un an avant le capitaine, Le Van Lo sera le chef de la délégation Viet-Minh à Genève en 1954 …
Rapatrié en France le 20 janvier 1955, le corps de Henry Desserteaux repose au cimetière de Dijon, au milieu des siens, dans sa terre natale.